L'anonyme
 
 
Auteur Maryse Froncoux

 
L'anonyme, sous un pont de pierres délabrées
Pose un regard livide sur sa vie brisée
Il n'a plus de rêves, ses pensées se sont évaporées
Il n'est plus qu'un corps à la peau usée.
 
L'anonyme, allongé sur des bouts de cartons déchirés
Regarde de loin cette société aux sentiments évaporés
Qui l'a rejeté et privé de dignité
Qui l'a blessé et mis au banc des condamnés.
 
L'anonyme, sous un ciel humide
Se meurt doucement sous les regards arides
L'alcool, comme unique lipide
Noie le mot égalité de son cœur devenu insipide.
 
L'anonyme, dans les bas quartiers de brume
Par habitude, attend l'aumône sans volume
Les yeux figés sur le bitume
Il n'a plus d'espoir ni d'amertume.
 
L'anonyme, qui dégoûte et qui importune
Eloigne les pas de son être sans fortune
Sur un trottoir différent, la culpabilité devient lacune
Et l'indifférence, une attitude commune.
 
L'anonyme, ce pauvre diable
Ce soir, s'en ira sans regards aimables
Et le pont de pierres lamentables
Sera le lieu de sa délivrance délectable.
 
Il ne restera aucune trace de son passage
Le pont de pierre ne servira plus d'ancrage
Le trottoir sera libéré de son barrage
Et son absence n'entraînera aucun hommage